j’ai acheté un PC...
La claque du développeur

La claque du développeur

⏱ 5 mn

Vous êtes développeur (ou développeuse) et cela fait un moment que vous êtes tranquillement installé dans votre zone de confort. Dans votre société, on vous écoute, vous avez de l’impact et personne ne se risque à remettre en doute ce que vous proposez. Vous vous êtes construit une petite maison sympa où il fait bon vivre.

Mais voilà que la boîte grossit et que vous avez besoin d’aide. Mieux encore, pour une fois, on vous donne les moyens d’embaucher un développeur expérimenté. Super contact durant les entretiens d’embauche : le gars connaît son métier, vous êtes alignés sur la plupart des technos et des approches dont vous lui parlez.

Puis le gars arrive et, très vite, il commence à poser des questions. Il met le doigt sur tous les trucs que vous aviez soigneusement rangés sous le tapis et laissés pourrir là. Il ne peut pas comprendre le contexte dans lequel vous avez fait ces choix. Chaque fois que vous lui expliquez que c’était par manque de temps, il corrige en deux-deux… et ça commence sérieusement à vous gonfler.

C’est le moment de prendre la claque.

Un mal nécessaire

Si cette situation vous rappelle quelque chose, tant mieux pour vous : ça veut sûrement dire que vous avez déjà pris votre claque.

Personnellement, j’ai pris la mienne après dix ans d’expérience. Cela faisait longtemps que j’étais dans une société où personne ne me challengeait vraiment. Je connaissais le produit et le code par cœur, je n’avais jamais besoin d’aide. Je recrutais les développeurs, et ils étaient donc rarement plus expérimentés que moi. Bref, je m’étais aménagé une petite chambre confortable dans une maison que je connaissais par cœur.

Puis, un jour, l’envie de changer. Je me retrouve dans une startup, entouré de développeurs bien plus compétents que moi, alors qu’ils avaient moins d’expérience. Tout ce que je proposais était challengé, souvent rejeté. Je me retrouvais systématiquement avec les tâches ingrates et sans intérêt, pendant que les autres récupéraient les projets sympas.

À ce moment-là, si j’avais pu rompre ma période d’essai, je l’aurais fait. Mais crédit et ego obligent, je suis resté. J’ai accepté que je ne pouvais pas m’enfuir et j’ai essayé de tirer le maximum de ces fameuses tâches ingrates.

Et finalement, j’y ai trouvé mon compte. Plutôt que de vouloir absolument reproduire ce que je connaissais pour retrouver mon statut de sachant, j’ai appris à utiliser de nouveaux outils et à coder différemment.

Ravaler mon ego m’a permis de progresser en tant que développeur, et surtout d’acquérir une capacité essentielle : me remettre en question sans le vivre comme un échec personnel, et sans perdre confiance en moi. C’est l’une des compétences les plus importantes pour évoluer dans ce métier.

Savoir se remettre en question

Depuis cette expérience, j’ai eu à mon tour l’occasion d’être celui qui met la claque — bien malgré moi. Celui qui pose les questions qui dérangent et pour lesquelles on n’a pas toujours de réponse.

Le plus souvent, les réactions ne sont pas bonnes. Les personnes en face se sentent agressées et répondent de manière plus ou moins désagréable.

Il y a ceux qui refusent catégoriquement qu’on les remette en question. Ils rejettent la faute, ils fuient ou, parfois, vous écartent (selon leur position dans l’entreprise). Ceux-là resteront toute leur carrière, limités à des connaissances et des compétences de base. Refuser l’aide et l’expérience des autres revient à vouloir tout apprendre seul. C’est forcément moins efficace que de partager les compétences et d’apprendre ensemble.

Et puis il y a ceux qui acceptent et comprennent qu’il peut être intéressant d’écouter un autre point de vue. Cela reste difficile, et vous ne deviendrez pas les meilleurs amis du monde du jour au lendemain. Mais accepter d’apprendre de l’expérience des autres leur permettra de passer un cap dans leur carrière de développeur.

C’est souvent une question d’égo

Le plus gros frein dans la carrière d’un développeur est son ego. Et ne croyez pas que vous n’en avez pas.

Au début, c’est facile : vous sortez de l’école, vous avez tout à apprendre. Votre ego se cherche encore, il ne sait pas trop où se placer au milieu des egos démesurés de vos nouveaux collègues. Mais au bout de cinq à dix ans, quand votre ego a bien grandi et pris de la place, c’est souvent là qu’il a besoin d’une bonne claque.

Et cela fonctionne aussi pour mesdames, avec des réactions souvent différentes. Là où ces messiers ont tendance à accuser l’autre, mes dames ont tendance à s’accuser elle-même et à perdre confiance. L’une comme l’autre des réactions n’ont pas lieux d’être.

La personne en face a vécu des expériences différentes des vôtres. Elle a peut-être utilisé des outils que vous n’avez jamais utilisés. Elle a trouvé des solutions à des problèmes que vous n’avez jamais eus, non pas parce qu’elle est meilleure que vous, mais parce que vous avez rencontré d’autres problèmes et utilisé d’autres outils au cours de votre carrière.

Refuser cette expérience est un non-sens.

Accepter la critique pour progresser

Prendre sa claque est douloureux, et apprendre à gérer son ego est difficile. Mais c’est aussi ce qui nous permet, en tant que développeurs, de progresser.

Apprendre à travailler avec des personnes qui ont des expériences et des idées différentes. Apprendre à sortir de notre zone de confort, où tout est connu et maîtrisé, pour aller vers des solutions que l’on n’a jamais expérimentées, mais que l’on devra assumer.

Que ce soit comme développeur ou comme manager, le jour où vous commencez à détester quelqu’un parce qu’il pose des questions auxquelles vous n’avez pas de réponse, demandez-vous pourquoi cela vous énerve autant.


La claque du développeur est paru le